mardi 23 juillet 2013

Herzeleid - remarques générales sur la cohérence de l'album


Les textes de Rammstein, s'ils présentent un intérêt particulier à être étudiés pour eux-mêmes, entrent chacun dans la thématique de l'album auxquels ils appartiennent. C'est pour cela que je vais proposer, pour chaque album, une étude d'ensemble. Cela permet aussi de comprendre les textes par rapport à un tout et de mettre en valeur les trames thématiques propres à chaque opus, et qui rythment l'oeuvre entière du groupe.



Herzeleid – Peines de cœur
Le premier album semble aborder un thème facile, mainte et mainte fois analysé, distillé, par les poètes, les chanteurs. Selon les membres du groupe eux-même1, chacun s'est trouvé, au moment où il ont composé cet album, à la fin d'une relation amoureuse. Pas besoin d'entrer dans le détail des textes pour comprendre que l'amour fait mal...

Ce thème, (trop?) classique, a été traité d'une manière très novatrice dans l'écriture. Rammstein n'aborde pas seulement la mélancolie ni le dégout de soi face au rejet de l'être aimé, le groupe montre ce que l'amour à de violent et affirme, dès le premier titre que « Liebe ist Krieg – l'amour est une guerre ». Ainsi dans « Wollt ihr das Bett in Flammen sehen ? », nous comprenons qu'amour et sexe sont indissociables et qu'ils sont rattachés à la violence du feu, feu métaphorique de la passion, et au sang, à la douleur. Le lit des amans est le lieu d'un crime. On retrouve cette thématique dans « Das alte leid », chanson dans laquelle Lindemann affirme : « Et sur la couche la même guerre fait rage / Qui consume encore mon coeur ». Dans ce même texte, il évoque l'image d'un « jeune corps » qui « pourrit sur la couche ».

Dans cette même thématique de l'amour comme un bataille, une guerre nous pouvons rattacher « Du riechst so gut », évoquant une traque et un viol. Chez Rammstein, nous pouvons affirmer que l'amour est pulsion (sexuelle, mais pas que), une pulsion qui n'a pas même les limites de la mort.

L'amour est associé à la mort au point de donner vie à une scène de nécrophilie dans « Heirate mich ». Ainsi l'amour, quand il est associé à la perte et au manque, pousse à la folie comme un « Mal ancien – Das alter leid ». Et cette folie qu'est l'amour amène à la mort, comme dans un éternel recommencement. « Weisses Fleisch » narre un meurtre : la pulsion amoureuse et sexuelle prend le dessus sur la raison, le narrateur parle de « [son] cerveau malade » qui le pousse à faire des « Marques rouges sur le blanc de [la] peau » de la femme aimée.

Cette association amour – mort – violence va jusqu'à l'expression du dégoût de soi dans « Laichzeit ». Ce n'est pas la haine de soi parce qu'on a été rejeté par l'autre, mais le dégoût d'être naît de ces pulsions macabres et lubriques. À travers cette chanson transparaît aussi la thématique de l'insecte qui aura sa place et dans Sehnsucht.

Si cet amour destructeur est à la source de la vie, Rammstein va jusqu'à affirmer que l'Apocalypse sera déclenché par les peines de cœur dans « der Meister ». D'ailleurs, cet aspect biblique se retrouve lorsqu'ils font de la scène de la Passion du Christ une métaphore de l'acte sexuel destructeur dans « Asche zu Asche ». Pourrait-ont aller jusqu'à dire que le seul dieu c'est l'amour dans sa violence la plus extrême ?

L'amour n'est-il que violence et mort ? « Seemann », au centre de l'album, semble apporter un peu de répit dans ces pulsions amoureuses et sexuelles. Mais lorsque la violence s'efface, elle laisse place à la mélancolie la plus profonde, au spleen, à la solitude. Et il ne reste plus que cette sensation de « froid ».

Au cœur de cette apocalypse amoureuse et sexuelle, « Herzeleid » sonne comme un message d'avertissement. Ses premiers mots sont : « Gardez-vous bien / Des peines de coeur », comme si Rammstein s'adressait à ceux qui n'ont jamais connu ni l'amour ni le sexe et leur disait de bien s'en préserver. À la lumière de la chanson « Herzeleid », l'album entier apparaît comme une mise en garde contre l'Amour qu'ils décrirons dans Reise, Reise comme une « bête sauvage » prête à nous dévorer.

Toutefois, de ces constats pessimistes sur l'amour, l'album a bel et bien un message positif. Ils l'ont gardé pour la fin avec « Rammstein » que j'interprète, à la lumière de ce nous venons de constater, comme un éloge à la création artistique. Oliver, dans l'interview du Live aus Berlin affirme que de la souffrance naît la création. Ainsi, c'est parce que chaque membre du groupe à subit des peines de cœur qu'ils ont pu créer, écrire, composer cet album, pourrait-on même aller jusqu'à dire fait naître Rammstein. C'est en ce sens que le message de cette dernière chanson est positive : l'amour et le mal qu'il génère est source de création.

Dès leur début, Rammstein montre la femme comme l'ennemi de l'homme dans le sens où elle fait naître en lui ce qu'il a de plus noir et de plus violent, elle est à l'origine de ses souffrances. Toutefois, pour faire face à cela, l'unité et l'amour inconditionnel et idéalisé des membres du groupe entre eux s'affirme comme un remède qui se traduit par l'acte de création.

1Cf interview du Dvd : Live aus Berlin

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