mercredi 24 juillet 2013

Sehnsucht - remarques générales sur la cohérence de l'album

Les textes de Rammstein, s'ils présentent un intérêt particulier à être étudiés pour eux-mêmes, entrent chacun dans la thématique de l'album auxquels ils appartiennent. C'est pour ce la que je vais proposer, pour chaque album, une étude d'ensemble Cela permet aussi de comprendre les textes par rapport à un tout et de mettre en valeur les trames thématiques propres à chaque opus, et qui rythment l'oeuvre entière du groupe.



Sehnsucht – Désir/Nostalgie

Dans la continuité de Herzeleid, ce second album explore les voies de l'amour et du sexe dans ce qu'elles ont de plus douloureux. Sehnsucht, mot n'ayant pas d'équivalent en français, exprime un désir ardent et douloureux, ainsi que la mélancolie. La langue allemande lie de manière très intéressante ces deux aspects, comme pour exprimer que le désir est une sensation complexe, entre excitation, frustration et tristesse.

« Sehnsucht », premier extrait, nous guide immédiatement dans cette direction, puisque le narrateur se lamente, disant : « Le désir/la nostalgie est si cruel(le) ». Il cherche à retrouver des sensations passées mais n'y parvient pas : « De retour dans le giron de la lionne où j'étais autrefois chez moi / Entre tes longues jambes je cherche la neige de l'année dernière / Mais il n'y a plus de neige ». Ainsi le désir n'est pas aisé et semble lié au passé, sans doute à l'enfance (ce qui sera ouvertement développé dans Mutter). Le désir est vu comme un idéal qu'on ne peut atteindre.

Cette même idée transparait dans « Bück dich ». Concrètement cette chanson exprime le désir de « je » de prendre son/sa partenaire à quatre pattes, lui ordonnant « Penche-toi ». Le narrateur insiste sur le fait que « Le visage ne [l']intéresse pas », il semble vouloir se concentrer sur l'acte sexuel et le désir, mais cela ne fonctionne pas. « Le bipède […] / S'est mis comme il faut à la lumière » pourtant le narrateur « [se sent] de plus en plus mal » et se met à pleurer. Il ne retrouve pas les sensations idéalisées du désir et ce qui devait être une exploration des sens n'est plus qu'un acte animal qui blesse les deux protagonistes dans un élan de dégoût.

Le dégoût est bien évidemment une sensation liée à ce désir ardent et, parfois, interdit. Et le seul interdit sexuel c'est bien sûr l'inceste que Lindemann développe dans « Tier » et « Spiel mit mir ». Le désir d'un père pour sa fille et d'un jeune homme pour son frère mérite l'appellation « Sehnsucht » dans la mesure où ce désir là fait à la fois souffrir la victime qui le subit autant que celui qui l'éprouve. Le père incestueux n'est qu'un « animal » suivant son instinct et il va faire de sa fille un monstre à son tour, puisque cette dernière va le tuer (métaphoriquement ou non) : « Elle plonge la plume dans le sang de cet homme ». La narration de « Speil mit mir » lie encore plus concrètement le désir sexuel à l'enfance : des références et images enfantines comme les « moutons », le « feuillage de l'arbre » aussi l'attouchement vu comme un « jeu ».

Ce lien entre sexualité et enfance et également montré par « Küss mich » qui reprend l'image du conte de la grenouille se transformant en prince. Chez Rammstein la transformation n'a pas lieue et l'animal visqueux reste une image lubrique de la femme, et de la relation amoureuse.

La relation amoureuse est source de mélancolie et d'un désir altéré. « Du hast » aborde cette question de manière directe : sommes-nous capable de nous aimer pour toujours « Jusqu'aux frontières de la mort » ? Mais entre maintenant et « la mort du vagin » il faut faire face à la baisse du désir (cf. « Sehnsucht ») ou encore à la jalousie. Ainsi, « Eifersuchr » présente de façon très violente ce sentiment d'envie... de désir, désir ardent de posséder ce que l'autre a : beauté, force, intelligence, richesse et la femme. Bien sûr, cette violence du désir va jusqu'à l'acte de mort dans « Klavier » où l'amant tue sa bien aimée.

Dans ce monde de nostalgie, de frustration et de violence il semblerai que l'on puisse se tourné vers Dieu. « Bestrafe mich - Punis-moi » demande le narrateur, comme pour se repentir de tous les pêchers évoqués précédemment : jalousie, envie, insecte, meurtre. Mais la punition divine n'arrive pas comme un soulagement, elle accable d'autant plus le narrateur qui s'enfonce dans la culpabilité.

Dieu n'est pas une solution, et l'on constate un désenchantement total dans « Engel » : rien ne sert d'être « de son vivant […] bon sur la Terre » parce que nous ne serrons pas récompensés après la mort. Les anges souffrent : « Nous avons peur et sommes seuls » gémissent-ils. La vie est un désenchantement et aucun espoir n'est permis, même pour l'après... C'est ce même désenchantement qui est décrit dans « Alter mann », métaphore du non sens de la vie.

Album torturé, on constate que Sehnsucht se situe dans la continuité du premier album. Une certaine maturité a été atteinte : ce ne sont plus les peines de cœur qui sont la trame principale de cet opus, mais l'amour dans ce qu'il a de frustrant et de blessant avant même qui ne se soit terminé. Toutefois, maturité ne veut pas dire apaisement : nous sommes aux cœur des angoisses les plus profondes de Rammstein qui tenterons de régler leurs névroses en se réconciliant avec leur enfance dans Mutter

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